dimanche 16 janvier 2011

La Constitution antonine évoquée sur un denier de Caracalla (Rome, 213)

En 212, afin de faire oublier une histoire familiale tragique (l'assassinat de son frère et de ses partisans) et de détourner ainsi l'attention sur ses crimes, Caracalla fait un acte de générosité sans précédent: il accorde à tous les habitants libres de l'Empire la citoyenneté romaine. Cet acte est officialisé par un texte, l'Edit de Caracalla ou Constitution antonine (constitutio antoniniana de civitate peregrinis danda). Libertas, au revers de notre monnaie fait très certainement référence à cet événement. Comme ce type n'apparait pas avant 213 pour le règne de Caracalla seul, l'édit a très certainement été promulgué vers la fin de 212. Il a certainement complété par ce texte, un processus déjà bien avancé. La citoyenneté avant 212, n'était en effet accordé qu'aux habitants de l'Italie, aux vétérans des troupes auxiliaires (20 ans de service) et aux habitants des provinces aux municipes avec statut de colonie romaine. Le nombre de citoyens dans les provinces avait donc déjà augmenté avant ce nouvel élargissement et cette généralisation. La portée de l'édit est immense dans le domaine du droit, car désormais tout habitant de l'Empire peut faire appel aux règles juridiques du droit romain qui est réservé aux seuls citoyens.
Cependant, pour Dion Cassius, les motivations de Caracalla sont toutes autres, car être citoyen romain ce sont des privilèges mais aussi des devoirs en particulier fiscaux: "c'est pour cela que tous les habitants de l'empire furent, sous apparence d'honneur, mais en réalité pour plus de revenus à l'empereur, attendu que les étrangers étaient exempts de la plupart de ces taxes, déclarés citoyens romains". Pour lui, ce sont donc des raisons fiscales (impôt successoral notamment) qui ont poussé l'empereur à édicter cette loi. En effet, afin de payer des légionnaires plus nombreux (trois nouvelles légions créées par son père) et mieux payés (plusieurs augmentations de la solde depuis 193) il faut trouver de nouvelles ressources en augmentant l'assiette de l'impôt. Une autre raison peut être également que cette uniformisation des statuts des personnes simplifie grandement le travail des administrations permettant de réaliser des économies. Enfin, le texte de l'édit évoque aussi des motivations religieuses avec la multiplication des adorateurs des dieux romains... et de l'empereur. Cette monnaie donne donc à voir à tous les habitants de l'Empire la liberté nouvelle accordée par l'empereur qui espère par cet acte que la gloire rejaillisse sur lui.


n° C69

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS - AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR P XVI COS IIII P P - La Liberté debout à gauche, tenant un bonnet et un sceptre.

Atelier (année de frappe): Rome (213)

Références: RSC 224 (25£) - RIC 209a (C) - BMC 53-4 - Hill 1358 (C) - BnF 6801-2 et J & M Delepierre 1966

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.2g, 6h - Ex. Frédéric Chapour.

Note: Ce type existe aussi pour une émission plus tardive durant cette même année avec la légende d'avers ANTONINVS PIVS FEL AVG.

Commentaire:

Voici le texte de l'édit traduit par J. Modrzejewski (in Girard & Senn, Les lois des Romains, Naples, 1977, pp. 478-490, n. 21) à partir d'un papyrus acheté en 1902 à Hermoupolis la Grande (Giessen 40):

"[L'Empereur César] Marc Aurèle Sévère Antonin Auguste proclame :
[Il faut donc...], après avoir reçu des pétitions (?) et des [requêtes], [chercher] avant tout comment je pourrai rendre grâces aux dieux [immortels] de m'avoir sauvé par une telle [victoire (?) ...]. Voilà pourquoi j'estime pouvoir accomplir de manière si [magnifique (?) et si pieuse (?)] un acte qui convienne à leur majesté en ralliant [aux cérémonies de leur culte (?)] [les pérégrins], toutes les fois qu'ils viendront se joindre à mes hommes. Je donne donc à tous [les pérégrins qui sont dans] l'Empire le droit de cité romaine, étant entendu [que sont maintenues les cités de toute sorte] excepté celles des déditices. Il se doit en effet que [la multitude... non seulement...] ... tout, mais qu'elle soit dès maintenant associée aussi à la victoire. Et le présent édit augmentera (?) la majesté du [peuple] romain, ...

[L'Empereur César] Marc Aurèle Sévère Antonin Auguste proclame:
[D'une manière générale, c'est à la divinité qu'il faut] avant tout [reporter et] les causes et les raisons (des choses) ; [et moi aussi, comme il se doit], je voudrais rendre grâces aux dieux [immortels] pour m'avoir sauvé d'un tel [complot tramé (contre ma vie)]. Voilà pourquoi j'estime pouvoir accomplir de manière si [magnifique et si digne des dieux] un acte qui convienne à leur majesté, en ralliant [à leur culte, comme Romains], [autant de fois de dizaines de milliers (de fidèles)] qu'il en viendra chaque fois se joindre à mes hommes. Je donne donc à tous [ceux qui habitent] l'Empire le droit de cité romaine, étant entendu [que personne ne se trouvera hors du cadre des cités], excepté les déditices. Il se doit en effet [que la multitude soit non seulement associée] aux charges qui pèsent sur tous, mais qu'elle soit désormais aussi englobée dans la victoire. [Et le présent édit] augmentera la majesté du [peuple] romain : [il est conforme à celle-ci] que d'autres puissent être admis à cette même [dignité que celle dont les Romains bénéficient depuis toujours], alors qu'en étaient exclus... de chaque..."

2 commentaires:

  1. C'est l'histoire qui se répète, non? Actuellement, il y a beaucoup de politiciens qui couvrent leurs méfaits avec des œuvres de charité. En fait, les pauvres sont systématiquement utilisés à des fins politiques.

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  2. J'admire beaucoup la stratégie politique de Caracalla. Tout droit implique des devoirs. Cependant, les citoyens ignorent souvent cela. Ils sont juste contents de réclamer leurs droits, sans adopter le comportement qui correspond à ce droit.

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